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17 février 2007

"La fin de la télévision"

tv_1   Il faut être gonflé pour donner à un essai un titre aussi péremptoire et définitif que La fin de la télévision (96 pages, 10,50 euros, Seuil). Sans même un point d’interrogation qui autoriserait une sortie honorable le cas échéant. C’est pourtant publié dans la collection "La République des idées", un label qui a toute ma sympathie… Gonflé, présomptueux ou inconscient ? Il se vend tout de même entre 15 et 17 millions d’exemplaires du journaux TV en France sans compter les gratuits. Encore faudrait-il s’entendre sur ce que l’on appelle "la télévision": le contenant ou le contenu ? Il y a quelques années encore, les prospectivistes ès-medias se fourraient le doigt dans l’oeil en assurant que l’écran de la petite lucarne serait à l’avenir le centre opérationnel de la maison. On sait déjà ce qu’il en est de cette prévision, et du déplacement d’un écran à l’autre. Mais les programmes ?

    Il y a une vingatine d’années, Jean-Louis Missika avait co-signé avec Dominique Wolton un essai qui avait fait du bruit sous le titre La folle du logis, la télévision dans les sociétés démocratiques. Son nouveau livre, plus rapide mais pas moins stimulant, est une manière de prendre la mesure du chemin parcouru. Et de dresser le bilan : le media télévision a disparu en "désenchantant" les télespectateurs (trop de chaînes, trop de rendez-vous, trop d’inconstance). Missika tient que la relation du télespectateur à la télévision commande l’évolution du media. Elle impose désormais un paradoxe : tout en consacrant l’individualisme radical, elle examine en permanence la question du lien social. En fait, c’est le programmateur de la chaîne généraliste qui va mourir, le grand ordonnateur des cases, le maître des horloges.

Le temps est définitivement révolu où, dans le bus du lundi matin, les gens parlaient "du" film de la veille au soir. L’offre est trop nombreuse et atomisée pour qu’il y ait rendez-vous. L’enregistrement en vidéo lui avait déjà fichu un coup : le DVD, la VOD (video on demand) et le podcasting lui donneront le coup de grâce. "La télévision est donc en passe de devenir un grand juke-box" écrit Jean-Louis Missika (pas lui sur la photo) qui juge obsolète la notion même de chaîne. A court terme, le télespectateur se passera de cet intermédiaire pour s’adresser directement à l’organisateur de l’événement. Des clubs de football vendront directement l’accès à leur match à leurs abonnés en se passant même de cet autre intermédiaire qu’est la Ligue nationale de football.

   Ily a deux siècles, des entrepreneurs de la Penny Press (cote est des USA) inventaient le modèle économique de la presse sur lequel nous vivons encore : publicité+petites annonces+vente au lecteur. Cette triple ressource fait vivre les journaux depuis. Internet force les entrepreneurs à inventer un autre modèle économique qui tienne compte de l’interactivité, de la gratuité, de la perte de confiance dans le sérieux des journalistes, de la défiance vis à vis de la neutralité traditionnellement affichée, de la fragmentation de l’offre et de l’extrême spécialisation de la demande. "Avec la déprofessionnalisation, la question n’est plus de savoir qui parle, mais qui écoute" écrit l’auteur. Une porte ouverte sur un autre essai. Sa conclusion est semée de points d’interrogation. En un sens, ces incertitudes sont rassurantes. Mais elles n’empêchent pas les intuitions : "la télévision, telle que nous l’avons connue, s’éteint doucement, l’information d’intérêt général n’est plus rentable et de jeunes entrepreneurs des technologies pour expérimenter de nouveaux services d’information." La toute dernière ligne de cet essai évoque l’art et la manière de nourrir "la vie démocratique". Car c’est bien de cela qu’il s’agit in fine, même si, s’agissant de la pérennité et de l’impact des moyens, tout ce qu’on sait c’est qu’on ne sait rien.

extrait du Blog de Pierre Assouline

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